Un ambitieux projet de coupole contemporaine
#Architectes Publié le 16 avril 2025 par L'Echo de la Baie

Considéré comme le petit Versailles franche-comtois, la Saline Royale d’Arc-et-Senans jouit d’une renommée historique qui consacre l’architecture de Claude Nicolas Ledoux. Depuis de nombreuses années, l’entreprise de préservation de l’édifice est largement soutenue par la culture d’un mécénat actif. C’est dans cette logique que les jardins du « Cercle immense » accueillent aujourd’hui un projet audacieux : une serre géodésique et bioclimatique, imaginée par l’architecte Yann Rocher, dans laquelle s’illustre le verre bas carbone Mirai™ de Pilkington.
Une œuvre d’avenir enracinée dans l’histoire
Cette serre géodésique est le fruit d’une longue réflexion pendant sa gestation. Son travail méticuleux est à l’image du lieu, inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO, dont les valeurs et les principes doivent être maintenus pour garantir, sur le long terme, la pérennité et l’intégrité de ce patrimoine. Le point de départ du projet ? Un besoin très concret : il manquait au maraîcher du domaine un équipement pour faire pousser ses semis, avant leur passage au potager puis à la table du restaurant de la Saline. Une parabole qui alimente le principe vertueux du circuit court et ne manque pas de faire phosphorer l’esprit passionné de l’architecte Yann Rocher, à qui le projet est confié. Si l’idée d’une serre géodésique et bioclimatique est établie, elle convoque l’imaginaire des formes hémisphériques – de la serre tropicale au globe, sphère, géode, dôme…- autant de structures que l’architecte explore depuis longtemps dans ses recherches, livres et expositions. Cette vision onirique fait de plus écho à la maquette de la Maison des gardes agricoles pour le parc de Mauperthuis, conservée sur place au musée Claude Nicolas Ledoux, architecte de la Saline Royale. La référence résonne aussi comme une allégorie de la nature, dans laquelle on vient réinvestir le végétal sans abîmer le paysage classé des jardins du « Cercle immense », aujourd’hui devenu laboratoire des métiers du paysage. Mais aux rêves les plus fous se confronte la réalité d’un budget minimal, qui oriente le projet vers l’idée d’une coupole horticole légère, dont la structure pourrait être en bois et recouverte d’une bâche ou de plexiglas. Économie oblige, elle sera réalisée en auto-construction par les équipes du site paysager, déjà rompues à ce genre de projets légers ou éphémères, menés dans les jardins. Cependant construire sur un site protégé implique des contraintes : la structure doit être à la fois pérenne et réversible, sans impacter la vie du sol, c’est-à-dire sans béton. « On a été pris dans la contradiction de nos grandes idées : celle de faire quelque chose de léger, de super beau, de suffisamment costaud, de totalement intégré au site, mais sans avoir le budget pour le faire, » confie Yann Rocher. Un mal pour un bien qui, in fine, fait évoluer la conception vers une architecture mécanique plus sophistiquée, pour répondre avec pertinence et souplesse aux contraintes soulevées par le projet. Aux coupoles triangulées et peaux minces de type géode, Yann Rocher préfère un autre genre de polyèdre qui repose « sur la géométrie d’un rhombizonoèdre (dans la nature : la fleur de tournesol ou la base de la pomme de pin), un zome doté d’une symétrie de révolution à double spirale autour d’un axe, et composé de faces en forme de losanges dont l’assemblage est plus simple, car sans nœuds, et offrant des ouvertures plus équilibrées pour le regard, » précise l’architecte. Une variation innovante qui repose sur de nombreuses études : calculs, dessins, plans, maquettes 3D… et s’appuie sur des partenaires engagés. De la synergie des rencontres et de la mobilisation d’un large mécénat -dont Pilkington pour la fourniture de son verre bas carbone MirailTM et de la société VIT pour sa transformation-, le projet s’impose discrètement mais fièrement dans les jardins de la Saline Royale. Une architecture circulaire, à la fois poétique et fonctionnelle, que Yann Rocher décrit comme un « diadème couronnant discrètement le jardin de la Saline Royale ».
Une œuvre collective et régénérative
Conçue comme un « petit théâtre adamantin du végétal », cette nouvelle serre est passée d’une ambition low à high-tech. Avec ses 8 m de diamètre et 50 m2 de surface, la coupole est implantée avec soin pour ne pas perturber l’axe royal du site, s’invitant en contrepoint de l’arc jurassien, dédié aux plantes locales. Sa construction repose sur trois strates de matériaux nobles, choisis pour leur réversibilité et leur recyclabilité. Le challenge étant de peaufiner les méthodes d’assemblage et de répondre aux enjeux spécifiques de la culture maraîchère qui réclame lumière, chaleur, inertie thermique, aspersion, usage cyclique de l’eau… Chaque matériau est donc sélectionné pour ses qualités intrinsèques. La pierre du soubassement garantit l’inertie ; l’acier forme le squelette de l’ossature en écho de la géométrie des losanges ; le verre, enfin, assure la couverture étanche et la transmission lumineuse, tout en apportant la résistance et l’isolation requise pour le bon développement des cultures. Comme suspendue au-dessus de la structure métallique via des rotules de 4 à 6 cm, cette robe de verre a nécessité un travail d’orfèvre. « Le verre a été agrafé au moyen de pièces de jonction, spécialement dessinées par l’ingénieur Bernard Babinot. Elles permettent de connecter les carreaux à la structure, tout en garantissant les différentes angulations et les jeux de dilatation entre verre et acier. In fine, les différentes facettes de la serre sont raccordées via des joints de dilation et d’étanchéité en silicone, » explique l’architecte. Pas moins de 72 panneaux de verre, découpés par jet d’eau selon des gabarits en losange, ainsi que leurs perçages (pièces de fixation), composent cette peau cristalline.
Le vitrage, fourni par Pilkington et transformé par le Groupe VIP, a été réalisé avec le verre bas carbone Pilkington Mirai™ d’épaisseur 8 mm. Il a été feuilleté avec un verre faiblement émissif à couche pyrolytique Pilkington K Glass™ N d’épaisseur 4 mm, par l’intermédiaire d’un film EVA Safe, retenu pour ses propriétés de résistance à l’humidité. Ce choix s’inscrit dans une démarche environnementale affirmée : le Pilkington Mirai™ 8 mm réduit de 50 % les émissions de CO₂ par m² par rapport à un vitrage classique, validant 10,5 kg eqCO2/m2, soit 2,83 tonnes eqCO2 pour les 270 m2 fournis, versus 21 eqCO2/m2, soit 15,67 tonnes eqCO2 pour un vitrage standard type OptifloatTM 8 mm. Ventilation naturelle par puits canadien, cheminée thermique, choix des matériaux… tout a été pensé pour faire de cette serre un modèle d’architecture régénérative. « Le défi était aussi technique qu’humain, » souligne l’architecte Yann Rocher, saluant l’implication de toutes les équipes dans une démarche collaborative. Bien plus qu’un simple abri horticole, cette serre s’impose comme un symbole fort : celui d’un retour à l’intelligence du vivant, à l’art de construire en lien avec le paysage et les usages. Dans ce site patrimonial chargé d’histoire, elle s’intègre sans l’altérer, et participe à faire pousser, au sens propre comme au figuré, une architecture responsable et sensible.
REPÈRES
Maîtrise d’ouvrage : Saline Royale d’Arc-et-Senans
Maîtrise d’œuvre : Yann Rocher, architecte – Bernard Babinot, ingénieur, Jacques-Yves Baumann, bioclimaticien
Fourniture des matériaux dans le cadre du mécénat : verre bas carbone MiraiTM de Pilkington – Groupe VIT, façonnage et traitement du verre, Société d’Extraction et de Transformation de la Pierre de Comblanchien
Entreprises : Sadev, rotules de fixation du verre – Teddy Pose, pose du verre
Au total pour la serre : 13 mécènes – 6 partenaires – 229 donateurs
© Valentin Reigneau (photo en Une)
Vous aimerez aussi
Sept tonnes de toiles acryliques recyclées en 2024 chez KE France
KE Oudoor Design France renforce son engagement en matière de développement durable. En...
TECHNAL lance son nouveau service Expert SAV Agréé pour la réparation et l’entretien de...
Abonnez-vous
Profitez du magazine où et quand vous voulez. Abonnements papier et offres 100% numériques sur ordinateur, tablette et smartphone
Déjà abonné ? Identifiez-vous