3 questions à Anouk Legendre, XTU Architects
#Architectes Publié le 1 octobre 2018 par L'Echo de la Baie
Depuis plus de vingt ans, Anouk Legendre et Nicolas Desmazières explorent les rapports du bâti avec le vivant et le végétal. Musées, logements, bureaux, équipements publics, quartiers… en France et à l’étranger, leurs projets traduisent leur implication dans la recherche expérimentale, animée par cette conviction : l’architecture doit anticiper le futur et la troisième révolution industrielle sera biotechnologique.
Y a-t-il une œuvre, une personne, un bâtiment qui ont fait pour vous rencontre avec l’architecture ?
ANOUK LEGENDRE : Plus jeunes, il y a l’imaginaire des villes du futur à travers la littérature de science-fiction, et aussi le végétal… Plus tard, en tant qu’architectes, deux voyages nous ont marqués par leur génie du lieu. Le Japon, avec la ville ultra moderne qui côtoie l’architecture traditionnelle, les jardins, la façon dont la nature se mêle aux constructions de façon interstitielle… Nous y sommes allés dans les années 2000 et je crois qu’on n’en est jamais revenus ! On peut dire que, pendant vingt ans, on a travaillé avec une vision de la ville essayant de la concevoir autrement, notamment avec la nature. Autre déclic : l’Islande, avec ses immenses paysages-territoires façonnés par les flux. Le projet qui a immédiatement suivi, le musée préhistorique de Jeongok, en Corée du Sud, était quasiment liquide dans son expression – avec une recherche sur les courbes et les formes organiques que l’on a poursuivie depuis.
En quoi deux projets récemment livrés, la tour Elithis Danube à Strasbourg, Nuages à Paris, traduisent-ils votre abord des enjeux urbains ?
ANOUK LEGENDRE : Chacun à sa manière répond aux problématiques de l’étalement urbain, de la nécessaire densification, de l’intégration de nouveaux modes d’habiter ensemble… avec, à Strasbourg, outre la mixité d’usages (3 niveaux de bureaux sur 809 m2 et 63 logements sur 16 niveaux), la lutte contre le réchauffement climatique grâce à un bâtiment à énergie positive et 100 % renouvelable.
Nous avons travaillé la compacité et les profils de la tour de manière à avoir moins de façades au vent et le plus possible de façades au sud. Les dispositifs pour une très basse consommation sont associés à des toitures et des façades photovoltaïques et à un usage vertueux de l’énergie par les occupants. Nous avons aussi essayé de mettre en scène la vie commune dans les espaces partagés en jouant notamment sur leur luminosité, par exemple la grande salle au sommet, qui ouvre largement à la vue sur toute la ville. On s’aperçoit qu’elle est très utilisée, ce qui est intéressant car c’est ce type de synergies qui fait que le bâtiment va bien vivre. On est pour les énergies et les synergies ! Quant à Nuages, c’est, en plein Paris (13e arr.), la reconversion d’un immeuble de bureaux monolithique (une ancienne école d’infirmières) en habitations (125 « espaces à vivre »). Nous disposions de 2 000 m2 de droits à construire mais, plutôt qu’une extension, on a choisi de préserver les nombreux arbres et les jardins en créant des volumes suspendus en façades et en reconquérant le toit. Chaque appartement a des vues différentes et à l’intérieur, au vu des dimensions non standards de l’immeuble pour du logement – il est d’une profondeur de 22 mètres, avec des hauteurs sous plafond de 3,20 mètres –, on a créé des lots que les futurs habitants aménagent à leur guise, outre des lieux et des services adaptés à de nouveaux modes d’habiter (espaces mutualisés, colocation, conciergerie, etc.).
Le projet In Vivo, lauréat de Réinventer Paris, sera le premier à mettre en œuvre le système de biofaçade active que vous avez conçu au sein du consortium SymBIO2. En quoi consiste-t-il ?
ANOUK LEGENDRE : C’est un système complet de mur-rideau assurant à la fois l’étanchéité, la régulation thermique du bâtiment et la production de biomasse à haute valeur ajoutée – en l’occurrence des microalgues destinées à la recherche médicale, à l’alimentation ou à la cosmétique –, permettant d’absorber du CO2. Développé depuis 2013 par un consortium où figurent notamment le laboratoire Gepea et l’entreprise Viry (groupe Fayat), soutenu par le CSTB, il fait l’objet de deux brevets, l’un portant sur la culture en façade, l’autre sur l’intégration des panneaux en façade. La dernière génération a un aspect de mur-rideau VEC, avec une surface de culture optimisée et des profi lés aluminium les plus fi ns possibles de façon à ne voir que les joints de l’extérieur. Vu de l’intérieur, on propose une alternance vitrage clair/biofaçade dans des proportions défi nies selon l’usage, ainsi qu’une version opaque. Le système équipera 900 m2 de façades de l’AlgoHouse, la résidence pour étudiants et jeunes chercheurs du projet In Vivo, 13 000 m2 de logements et tiers lieux dédiés à la biodiversité, à la mixité sociale et fonctionnelle.
Retrouvez cet article dans L’Echo de la baie n°124
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