Parole d’architectes : Six regards sur la fenêtre

Le 9 décembre, l’Association pour la recherche sur la ville et l’habitat (ARVAH) décernait ses prix de la femme architecte à six lauréates. Six regards singuliers sur les nouvelles façons de vivre et de travailler dans les bâtiments aujourd’hui. Pour clore cette année 2020 si particulière, où l’on a rongé notre frein devant nos fenêtres pendant qu’on nous conseillait de les ouvrir le plus souvent possible, elles nous livrent leur vision des ouvertures à travers l’exemple d’une réalisation.

Florence Lipsky

Prix 2020 de la Femme Architecte pour son œuvre, la cofondatrice avec Pascal Rollet de l’agence Lipsky-Rollet (1990), évoque la résidence Amplia, dans le quartier de Lyon Confluence (2012), immeuble à énergie positive de 66 logements pour les performances duquel le rôle des ouvertures et de l’enveloppe sont essentiels. Les menuiseries sont en bois-aluminium, donnant sur des balcons ou coursives protégés et ventilés par une double-peau en volets métalliques repliables à lames de verre orientables (https://bit.ly/3nKLR93).
« La fenêtre est définie comme un élément qui appartient au prolongement extérieur du logement, indispensable avec l’évolution climatique. Elle doit avoir de grandes dimensions pour voir loin et haut, vers le ciel. Les habitants sont amenés à vivre plus souvent chez eux, du fait du télétravail ou d’une forme de sédentarisation forcée. Dans ce nouveau contexte social, le prolongement extérieur existe par la présence d’une enveloppe globale, flexible, adaptable. La fenêtre prend sa place dans ce micro milieu que représente l’enveloppe/façade, et parfois toit, qui doit être utilisable en toute saison. La fenêtre peut être ouverte, mi ouverte-mi fermée, ou fermée. Elle est aisément manipulable par le résident. On retrouve la baie traditionnelle en fond de loggia. »

Cathrin Trebeljahr

À la tête de l’agence In_Out, un pied à Paris (depuis 2007) et un autre à Genève (2010), Cathrin Trebeljahr reçoit le prix de l’Œuvre originale pour la réhabilitation-extension de l’ancienne préfecture de Versoix (canton de Genève, 2017). Ou comment articuler les fonctions – salle de danse, conservatoire de musique, cuisine associative, restaurant scolaire – et les siècles (https://bit.ly/3fpeTII).
« Sur l’extension, le parti-pris est de mettre en valeur le duo béton brut/vitrage en faisant disparaître les cadres des meurtrières (entre 2,50 et 3 mètres de hauteur) comme des grandes baies ; devant les ouvrants, les garde-corps sont en verre. Je privilégie les menuiseries bois-aluminium. Ici, leurs qualités, associées au triple-vitrage, contribuent à la certification Minergie du bâtiment (Bildau & Bussman, mises en œuvre par Ateliers Casai). L’aluminium permet aussi d’absorber le châssis dans le béton beige grâce à une finition anodisée cuivrée. À l’intérieur, l’ouvrant est affleurant et le bois, peint en blanc, s’accorde avec les murs.
Nous avons repeint les fenêtres aluminium du bâtiment XIXe, qui dataient des années 1980, mais les nouveaux chiens assis en toiture intègrent des ouvertures 1 vantail en bois-aluminium. Sur le bâtiment XVIIIe, nous avons pris soin de restaurer à l’identique les anciennes menuiseries bois. »

Sophie Denissof

Mention spéciale du prix de l’Œuvre originale et pour son parcours professionnel, la cofondatrice de Castro Denissof Associés (1988) commente le traitement des ouvertures sur la première tour du concept Habiter le ciel, Emblématik, à Aubervilliers (2019, www.castro-denissof.com/projet/emblematik-aubervilliers). Soit 88 logements sur 18 étages qui réinventent un modèle de tour, à la manière d’un village vertical, avec des typologies multiples, de nombreux duplex, des terrasses et loggias généreuses, et des jardins communs superposés.
« Ici, les jardins, grandes loges sur 4 niveaux, les duplex et leurs loggias double hauteur créent de grandes respirations en façade et expriment hospitalité et plaisir d’habiter, contrairement à l’empilement répétitif des tours classiques. Le carnet de menuiseries est conséquent, avec des typologies variées selon le contexte. Les baies double hauteur des duplex ouvrent sur le ciel et des vues lointaines ; la double hauteur et la profondeur des loggias offrent le confort d’un salon extérieur. Autour des jardins communs, des fenêtres en longueur permettent de concilier luminosité, intimité et vis à vis. Il y a aussi quelques fenêtres d’angle. Nous avons choisi le bois-aluminium (MéO, NDLR) pour sa texture domestique à l’intérieur et sa durabilité à l’extérieur, dans les tonalités blondes pour le bois et mordorées pour l’aluminium. »

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