Rencontre avec Orash Montazami - Studio Montazami

#Architectes Publié le 9 décembre 2024 par L'Echo de la Baie

Il désigne l’agence qu’il a fondée comme un laboratoire engagé à redéfinir les normes de l’architecture et de l’environnement bâti. Conservation des bâtiments, construction hors site, usage « fair », juste autant que judicieux, des techniques, des technologies et des matériaux « pour réduire drastiquement l’impact carbone des bâtiments »… Rencontre avec Orash Montazami.

Orash Montazami, vous avez évoqué avoir été marqué, enfant, par la visite du chantier de votre maison avec votre père. Comment est né votre désir d’architecture ?

Une maison en construction a un côté magique pour un enfant de six ans… En fait, je ne me suis jamais posé la question de faire un autre métier qu’architecte, bien que je ne sois pas du sérail. Je voulais créer de façon utile.

Vos origines iraniennes ont-elles influé sur votre façon de concevoir l’architecture ?

O. M. : De façon inconsciente, certainement. Je suis arrivé très jeune en France mais mon premier environnement en Iran a été marqué par des constructions des années 60 et 70 du style international, même si ce n’est pas ce que je dessine aujourd’hui. Je suis assez sensible à l’idée de ressusciter cette architecture, ces bâtiments souvent un peu dépréciés, qui ont pourtant à mes yeux des qualités patrimoniales et auxquels je trouve intéressant de redonner une pérennité en les inscrivant dans l’actualité. C’est, par exemple, le cas du projet de l’îlot Vincent Auriol portant sur la réhabilitation de bâtiments des années 70 via une restructuration lourde et des surélévations.

L’UP1 Paris Villemin, l’École spéciale d’architecture (ESA), un master d’urbanisme aux États-Unis… Comment ces années de formation ont-elles forgé votre pratique ?

O. M. : Par-delà les personnalités d’enseignants, les réflexions et les expérimentations soulevées par ArchiLab (rencontres internationales d’architecture lancées en 1999 à Orléans) m’ont beaucoup marqué. Je fais partie de cette première génération d’architectes à avoir manié l’outil informatique en même temps que le Rotring. L’outil numérique est un outil de création du formalisme et il est impensable pour moi aujourd’hui de défendre les mégastructures qu’il a pu engendrer. Mais précisément, face à la nécessité de bâtir moins carboné et à la conscience aiguë des impératifs environnementaux, j’ai la conviction que ces outils paramétriques, justement, peuvent nous y aider. J’utilise l’outil paramétrique pour quantifier la matière, délivrer des bâtiments plus vertueux, consommer « plus de matière grise » pour consommer « moins de matières premières »…

D’où votre attention au Fair (« juste » en anglais) Tech ?

O. M. : On nous a parlé de High Tech, de Low Tech… La situation économique, le ralentissement que connaît notre activité après des années où l’on a construit et démoli pour reconstruire, parfois jusqu’à la démesure… tout cela crée un contexte où la technologie « juste » est la bienvenue. Il faut de la technologie juste, pas pour compenser nos dépassements mais pour justifier nos actions.

C’est le cas par exemple d’Essentiel, projet lauréat avec Nexity d’un concours lancé par L’Oréal pour son siège social à Clichy. Basé sur le concept 22-26 de Dietmar Eberle, ce bâtiment bas carbone est aussi beaucoup plus performant et 30% moins cher qu’un bâtiment classique, notamment parce qu’il n’utilise quasiment pas de technologies matérialisées embarquées (ni climatisation ni chauffage) mais plutôt une technologie numérique embarquée.

Ce projet marque un avant et un après dans ma pratique. On vit un moment extraordinaire où l’intelligence artificielle peut nous aider à optimiser les outils numériques, à faire le tri entre les innovations les plus et les moins pertinentes.

La construction hors site est aussi un axe clé de votre pratique, du campus TMA Newgen à Toulouse, dont la première phase vient d’être livrée, à la Cité Universelle/Cité du Handicap, conçu avec Baumschlager Eberle Architekten et porté par GA Smart Building, qui sera le plus grand démonstrateur en la matière. En quoi est-ce « un choix éthique » autant qu’une « source d’esthétique » ?

O. M. : Le hors-site connaît encore un certain désamour parce qu’il rappelle les pires années de la construction industrielle et du préfabriqué. Or ses avantages sont nombreux, aux premiers rangs desquels la fidélité à ce que l’architecte a conçu numériquement, la maîtrise de la gestion de la quantité de matériaux – et donc des émissions de carbone –, ou encore, la rapidité d’exécution : l’immeuble Niwa, première phase du campus tertiaire TMA Newgen à Toulouse, soit 7 000 m2 sur un total de 30 000 m2, a été livré en à peine 15 mois !

Le hors-site propose une réponse évidente au besoin de construire dans des environnements urbains des projets bas carbone avec des nuisances réduites et des chantiers vertueux.

L’agence s’intéresse aussi très fortement à développer des réponses hors site sur des projets de réhabilitation.

S’agissant de réhabilitation, vous placez le projet de l’îlot Vincent Auriol, à Paris, sous le triple engagement de « conserver, adapter, réconcilier ». En quoi est-il emblématique de votre démarche ? 

O. M. : Ce projet est une réponse à la question de comment faire évoluer les actifs immobiliers pour être en mesure de gérer le changement climatique dans les villes. Il associe des réhabilitations lourdes de bâtiments tertiaires existants à la transformation de certains en logements – dont du logement social –, à de la construction neuve et à des surélévations. J’ai eu peu d’occasions de dessiner de l’habitat, cela donne envie de poursuivre et de peut-être pouvoir apporter des solutions sur le comment habiter aujourd’hui.

Ce projet est aussi un héritage emblématique des réflexions menées sur les grands projets de Toulouse et de la Cité Universelle s’agissant du hors-site, et sur Essentiel, qui combine la gestion de l’inertie thermique du bâtiment à une technologie de gestion, permettant de s’affranchir de solutions de chauffage/refroidissement mécaniques. Ces passerelles entre les projets permettent, je l’espère, de converger vers une certaine évidence…

Lire l’article « parole d’archi » : 

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